On le croise parfois sur les trottoirs d’une rue, sur une place, autour d’une bouche d’incendie. Le flacking, cette pratique d’art urbain qui consiste à réparer les trous des trottoirs, les nids de poule ou autre usure de la voie publique à l’aide de carreaux de faïence et de mosaïques, a été inventée par Ememem.

Le Flacking

Le mot flacking, inventé en 2016 par l'artiste pour qualifier son "raccommodage artistique" de la ville de Lyon, est dérivé du mot français "flaque" car les œuvres créées s'apparentent à des flaques de couleurs.

Avant/Après @Ememem

Ememem fait des adeptes à tel point que ces décors d’art urbain sont devenus une pratique retenue  par certaines communes comme solution low tech* et artistique pour réparer à moyen terme certains espaces piéton.

Truelle à la main, le chevalier des nids-de- poule, qui opère dans l’anonymat et dans la solitude de la rue, et surtout la nuit, signe ses œuvres de son blase (nom donné aux street- artists) Ememem, qui vient tout simplement du son de sa mob quand il part en mission.

C’est par messages que nous avons dialogué avec Ememem et lui avons posé nos questions car l’artiste tient à son anonymat.

BO : Pourquoi les carreaux ou le carrelage ? pourquoi ce matériau plutôt qu'un autre ? 

Ememem : « Je travaillais sur la mosaïque au moment de mes essais de pansements, du coup c'est ce matériau que j'avais en stock. Et j'ai compris que c'est justement ce matériau qui créait l'effet génial de discontinuité, de réveil brusque, l'effet de surprise de cette matière lisse et colorée au milieu du gris bétonné. »

BO : Comment sélectionnez-vous les carreaux ? Les céramiques vs les mosaïques ou les deux ?

Ememem : « j'ai de tout. En fonction de mes créations, je privilégie les unes ou les autres. Mais l'important c'est le fait qu'elles soient recyclées. Elles proviennent de stock d'invendus, de fin de série, de chutes et de collectes. J'aime cette idée de seconde chance donnée à la matière, de seconde vie. C'est ce réemploi qui fait du flacking une technique vertueuse et low tech. Non seulement je raccommode, mais en plus c'est fait en douceur, avec une technique peu couteuse en énergie, et aux matières premières recyclées. J'aime l'idée de tirer cette matière de son rang de débris. »

 Amiens @Ememem

BO : Est-ce le lieu, le matériau ou les deux qui vous inspirent ?  

Ememem : « C'est plutôt le lieu puis les couleurs que j'ai envie de lui donner. Ensuite je sélectionne les matériaux. »

 BO : Combien de temps vous faut-il en moyenne pour réaliser vos flackings ?

Ememem : « C'est très variable, ça peut être quelques heures de transe, où deux semaines de sueurs froides devant le "pansement vide"

BO : Étiez-vous carreleur dans une autre vie ?

Ememem : « Il n'y a pas un métier que je n'ai pas fait. Je pense que ça se voit dans mes créations : j'ai un parcours atypique et j'ai touché à des domaines tellement hétéroclites que c'est difficile d'y voir une seule influence... bâtiment, oui, mais aussi restauration d'œuvres d'art, auteur-compositeur, et même livreur de pizza (hé mais c'est peut-être le slalom entre les nids-de-poule qui préfigure toute mon histoire ???)...Cette fois, c'est bon, je me suis assez cherché : je suis flackiste. Ce nouveau métier, je l'ai inventé sur-mesure, c'est pour le restant de mes jours ! »

Quelques photos de flackings parmi les 350 compositions répertoriées à Lyon @Ememem

Dans les rues parisiennes et norvégiennes @Ememem

Le flacking décrit par Ememem:

 « le flacking : interrompre le normal, laisser ouverte une brêche pour ce que vous voulez ! "

 « Un petit message d’amour délivré aux semelles matinales »

« C’est la synthèse d’une forme (toujours celle faite par la rue, pas de triche !) et de couleurs. »

 « C’est une porte vers un monde où plus de beauté et de fantaisie sont possibles. »

**Low tech : La ou les low-tech, mot à mot basses technologies, ou technologies « appropriées » sont un ensemble de technologies et de logiques visant la durabilité forte,la résilience collective et la transformation culturelle (Wikipédia)